Longueteau a eu une année 2018 très riche en nouveauté avec une nouvelle gamme de vieux et très dernièrement un nouveau rhum blanc qui a fait parler de lui. Nous avons voulu en savoir plus et nous eu la chance de pouvoir échanger avec François Longueteau, l’homme du marketing, et pas que…
Vous avez lancé
la sélection parcellaire en 2014. Pensez-vous avoir d’autres références à
proposer bientôt ?
Oui bien sur nous avons depuis 2014 mis à disposition 4 Sélection
parcellaires : Parcelle 1 et 9 de la récolte 2014, Parcelle 4 de la
récolte 2016, et de nouveau Parcelle 1 en récolte 2017. L’année prochaine nous
prévoyons de nouveau la parcelle 9, la parcelle 4 et la parcelle 12 sur des
versions de récolte 2018.
Aviez-vous dans
l’idée d’ainsi pousser le consommateur à demander plus de transparence sur
“l’itinéraire du rhum” ?
Oui dans l’absolu c’est important nous aimons tous savoir ce que nous mangeons
et buvons. Je pense également que l’essentiel c’est le plaisir que nous prenons
à déguster un produit, ça doit être notre ligne directrice, aussi bien en tant
que consommateur qu’en tant que producteur. Après libre à chaque producteur de
préciser son savoir-faire tant que cela reste dans la définition du rhum.
En ce qui nous concerne nous avons 7 collections, les classic (ambré, blanc 40,
50, 55, 62) les Parcellaires, les Genesis, les Harmonie, les Single Cask, les
Spiced et les Punch.
L’objectif pour nous est que sur le packaging de ces différentes collections
chaque personne puisse comprendre notre manière de travailler, et le travail
qui a été réalisé sur tel ou tel cuvée.
Parlez-nous, si
vous voulez bien, du choix de la canne et de leurs particularités. Avez-vous
dans l’idée d’introduire de nouvelles cannes ?
La première décision que nous prenons quand nous choisissons une variété de
canne à sucre est sa capacité à se développer dans l’environnement dans lequel
nous allons l’introduire (Domaine du Marquisat de Sainte Marie), ensuite nous
regardons ses qualités organoleptiques et ce qu’elles peuvent apporter au rhum
que nous souhaitons produire. Aujourd’hui nous travaillons sur 2 variétés de
canne à sucre la R579, dit canne rouge et la B69-566N, dit canne bleue.
Nous avons également une activité de pépiniériste sur le domaine, nous
produisons des plants de canne à sucre pour nous mais également pour d’autres
planteurs, ce qui nous permet de pouvoir tester d’autres variétés en temps
réel. Aujourd’hui nous avons 3 autres variétés en test…. Je n’en dirais pas
plus pour le moment.
Les blancs dit
premiums sont aujourd’hui des vrais produits d’appel pour les distilleries. En
quoi, au sein de la distillerie, le travail sur le blanc diffère du travail sur
les rhums vieux ?
Obtenir un grand rhum blanc est pour moi beaucoup plus compliqué que d’obtenir
un grand rhum vieux, la marge d’erreur est beaucoup plus faible sur la
production de blanc. La maitrise des arômes se passe au niveau des plantations
et au niveau de la fermentation, la nature souvent capricieuse peux parfois
changer totalement vos prévisions et vous faire revoir intégralement vos plans
initiaux. Au niveau du rhum vieux, je fais déjà avec mon frère une première
sélection sur le rhum blanc, ceux à priori seront plus favorable à un
vieillissement
soit en fut neuf soit fut ex-cognac. Le temps fera le reste, mais à partir du
moment où nous avons un superbe blanc et un superbe tonnelier, l’essentiel du
travail est fait. Reste à être patient.
Au chais le plus grand travail reste l’assemblage des cuvées, à ce moment-là le
travail est exactement le même. Il faut une parfaite maitrise des palettes
aromatiques aussi bien au nez qu’en bouche. Nous faisons également beaucoup
d’essais sur de petite quantité de rhum
avant les grands assemblages, c’est la partie la plus excitante du job et la
notion de « création » prend tout son sens.
Votre Genesis
annonce fièrement ses 73,51°. Les « watts » des blancs, effet de mode
ou pas ?
Nous ne sommes pas les premiers à avoir proposé des rhums à très haut degré,
nos confrères de la Caraïbes le font depuis de nombreuses années, en Martinique
également la distillerie Neisson produit un superbe rhum à 70° depuis
longtemps. Cependant nous sommes les premiers à travailler sur le degré naturel
de sortie de colonne et surtout de laisser ce même rhum se reposer pendant 2
ans. Je pense que ce n’est pas un effet de mode, cette catégorie de produit
ouvre un champ aromatique assez extraordinaire, d’une rare complexité. Ces
produits s’adressent donc à des consommateurs très averti et qui maitrise
parfaitement l’utilisation de leurs palais, mais cette catégorie a de l’avenir.
Vous avez sorti
récemment un nouveau blanc, le Longueteau Constellation. Il s’agit d’un
monovariétal Canne Rouge.
C’est une édition limitée pour la route du rhum, n’est-ce pas ? De quelles
parcelles est issu ce nouveau blanc ?
Il s’agit effectivement d’un assemblage de 3 parcelles de Canne Rouge réduit
lentement pour tomber au degré d’équilibre souhaité, à savoir un rhum avec du
tempérament et symbolique d’une traversé de l’atlantique. Il s’agit d’une
édition limitée rendant hommage aux marins qui naviguaient à l’étoile il y a 40
ans.
Vous avez une
gamme de blanc extrêmement diverse (blancs « classiques » à différents
degrés, RSMA, Parcellaires entre autres). N’avez-vous pas peur de perdre
l’amateur ?
La gamme est effectivement large, mais notre métier et le fait que nous
maitrisons l’ensemble du process de la plantation de la canne à sucre jusqu’à
la mise en bouteille nous permet de pouvoir jouer sur les cuvées, les
assemblages autres techniques de finition et donc de proposer des
« goûts » différents d’une cuvée à l’autre. Nous nous efforçons et
nous renforcerons ces efforts dans les mois à venir sur les packagings des
différentes collections afin que chacun puisse bien faire la différence et
comprendre ce qu’il déguste.
Parlons de
votre nouvelle gamme de rhum vieux. Quelles sont les caractéristiques de ces
trois rhums et pourquoi ces choix ?
Nous avons mis quasiment 2 ans à réfléchir et à créer cette nouvelle collection
tant sur le plan produit que sur le plan packaging. Au fil de mes expériences,
et de mes essais le parallèle avec l’univers de la musique classique s’est
imposé. Comme je disais précédemment au travers de cette collection nous
souhaitons montrer précisément notre manière de travailler. Pendant les 2 ans
de réflexion j’ai longtemps souhaité travailler avec mon ancienne méthode
d’assemblage (VS, VSOP, XO), la plus conventionnelle : on choisit les futs
par rapport aux millésimes, 1 pour respecter la réglementation des
appellations, 2 pour simplifier la tarification produit et 3 pour être
absolument certains de contrôler son assemblage. Aujourd’hui je procède de
manière complètement différente.
1) Je définis un profil aromatique général (PRELUDE : fraicheur, élégance,
finesse, pâtissier / SYMPHONIE : épice, bois, gourmandise /
CONCERTO : rondeur, fruit, complexité, persistance)
2) Mon équipe choisit au hasard quelques échantillons au niveau du chais
3) Ensuite je réalise l’assemblage sur de tout petit volume en gardant ma trame
aromatique en tête et lorsque je suis satisfait on réalise l’assemblage sur
maximum 1 000 litres.
Pourquoi
êtes-vous sorti des traditionnels VO, VSOP ou XO ?
En fait il y deux raisons. La première elle est liée directement au code des
appellations 3 ans pour le VO, 4 ans pour le VSOP et 6 ans pour le XO qui
laisse place à beaucoup trop d’imprécision. La seconde c’est que je suis arrivé
en 2011 à la distillerie dans le but de soutenir mes parents dans un domaine
qu’ils ne maitrisaient pas : le Marketing. Entre temps, et au contact de
mon père il m’a transmis un savoir-faire, une passion non pas uniquement pour
la dégustation des produits (ça il le faisait déjà lorsque j’avais 9 ans), mais
surtout pour leurs conceptions. Comprendre l’origine des parfums, des
différentes tonalités aromatiques. Je me suis donc assez rapidement dirigé vers
le chai et je me le suis du coup « approprié ». Comme indiqué
précédemment j’ai fait évoluer ma manière de travailler depuis mon arrivée pour
en arriver à la collection HARMONIE.
Longueteau sera
présent au Whisky Live cette année. Quelle est l’importance des salons pour les
distilleries ?
Pour nous cette une première. Mais effectivement ces salons nous permettent de
pouvoir directement rencontrer et partager avec nos clients qu’ils soient pros
ou particuliers. Ce sont des échanges toujours intéressants qui nous stimulent
et renforcent notre passion.
Enfin, d’une
manière plus globale, comment voyez-vous l’évolution du positionnement des
rhums agricoles sur la scène mondiale ? Et, finalement, IG ou AOC ?
Je crois que le rhum agricole, et précisément celui des DOM fait partie d’une
tradition française. En France nous avons un savoir-faire et une histoire à
défendre sur les métiers de bouche, le rhum agricole doit en être l’un des
ambassadeurs.
AOC ou IG ? RHUM AGRICOLE ! (Et toc)
Propos recueillis par Simon Leroux