Il existe deux constantes avec les rhums de Guyana : il en sort énormément chez les différents embouteilleurs indépendants, et il est extrêmement difficile de s’y retrouver dans les différentes marks. On évoque souvent la richesse du monde du rhum, mais on retrouve une richesse presque aussi folle au sein même des rhums de Guyana. C’est pour cette raison qu’il est finalement délicat d’évoquer un rhum Demerara sans aller chercher plus d’informations. Hélas, la recherche d’informations est parfois très compliquée. C’est le cas ici, avec des étiquettes qui nous aident finalement assez peu. On dit souvent que l’important est dans le verre, ce qui est vrai, mais les plus geeks d’entre-nous aiment bien avoir des billes pour progresser.
L’histoire des rhums de Guyana résumée plus que grossièrement
La Guyane britannique est une ancienne colonie hollandaise. Ces derniers y ont établi trois colonies distinctes à partir du début du 17ème siècle. La dernière, du nom bien connu pour nous de Demerara, a été fondée en 1752 (si l’on en croit Wikipédia). Le contrôle anglais se fera officiellement en 1814. Mais revenons rapidement en arrière, avec la création de la plantation sucrière de Port Mourtant en 1732… Eh oui, ce qui est devenu entre temps le nom des alambics était initialement le nom des plantations. Au niveau des sources, il semblerait que la bible de Demerara, issue du blog barrel aged mind, ait disparu en cet été 2022. C’est vraiment dommage car le travail fait était énorme. L’aide apportée par l’article des Tasting Bros sera en revanche très appréciée pour pouvoir vous y retrouver dans les différentes marks, tout comme le tableau du blog Single Cask Rum. Retenons juste que les alambics ont voyagé au fil des fermetures de distilleries, et que les noms peuvent renvoyer à un alambic, ou à une recette. N’en jetez plus, la coupe est pleine !
Le seul maigre conseil que nous pourrions donner aux moins experts de nos lecteurs, est de plutôt se fier aux retours de dégustations que de chercher à tous prix les marks ou les alambics. En effet, on est jamais à l’abri d’une surprise avec les Guyana.
La dégustation
Quatre beaux rhums ici, avec deux Diamond, un Uitvlugt-Port Mourant et un Skeldon. Le premier Diamond dégusté est un rhum de Corman Collins, caviste et embouteilleur belge. La suite restera au Diamond, mais avec une sélection de Rom de Luxe, embouteilleur danois, qui s’est spécialisé dans les embouteillages rares et chers (qui peuvent rappeler Nobilis) tel ce Barbados 14 ans vendu 245€ sur un célèbre site français. Nous aurons la chance de déguster ensuite un nouvel embouteillage Swell de Spirits, avec un alléchant Uitvlugt-Port Mourant de 1995. Enfin, après l’Albion 2004 et le Enmore 1996, le Skeldon 2000 sera le troisième représentant de la série Rare collection d’El Dorado.
Diamond 25 ans – Corman Collins
Degré : 46,6%
Intégration de l’alcool : Parfaite
Distillation : – (peu d’info, juste Diamond)
Nombre de cols : 161
Millésime : 1996 – 25 ans
Vieillissement : 1 an tropical et 24 ans continental
Particularité : single cask
Fiche Rum-X
Le nez s’ouvre avec beaucoup de douceur et une chaleur réconfortante. Le café du matin s’accompagne de cannelle. La réduction est excellente, et permet aux notes de gentiment se diffuser. La suite reste empyreumatique (cuir) et fruitée (mangue et pêche). C’est très agréable.
La bouche suit exactement le même schéma : un boisé élégant ouvre le bal, suivi d’un café épicé (vanille et muscade en bouche). Les fruits changent un peu également, avec de la cerise et de la prune.
Pour la finale, on retrouve de la cassonade et un boisé très léger.
On a ici un rhum absolument idéal pour lancer une dégustation Guyana, puisqu’il est aussi agréable qu’élégant. Néanmoins, et il faut assumer ses contradictions, on regrettera ici le manque d’exubérance de ce rhum, qui ressemble un peu trop au premier de la classe (et cela peut nous renvoyer à la note du Saint-James embouteillé par Corman également). On est quand même sur un rhum de qualité.
Notre note : 87
Diamond 25 ans – Rom de luxe
Degré : 50,8%
Intégration de l’alcool : Très bonne
Distillation : mark MDS (inconnue mais à priori la double colonne Diamond – Coffey still)
Nombre de cols : 193
Millésime : 1996 – 25 ans
Vieillissement : –
Particularité : single cask
Fiche Rum-X
De manière surprenante (on a ici 4% de plus), le nez est beaucoup plus discret. On retrouve des noix, de la noix caramélisée, ainsi que du bois. Avec de l’ouverture, une note de thé fait son apparition, avec quelques fruits discrets.
La bouche est assez proche du nez. L’ouverture se fait par contre avec de la vanille, suivi par un boisé très fin et une note assez proche du praliné.
La finale est assez courte sur une pointe de chocolat et de boisé un peu brulé.
Ce rhum n’est pas mauvais, mais a manqué de personnalité pour faire la différence. Il est moins réussi que l’embouteillage Corman tout en étant dans la même trame.
Notre note : 84
Uitvlugt-Port Mourant 95 – Swell de Spirits
Degré : 53,4%
Intégration de l’alcool : Bonne
Distillation : Double wooden pot still. On serait donc sur l’alambic Port Mourant, présent à Uitvlugt en 1995
Nombre de cols : 193
Millésime : 1995 – 27 ans
Vieillissement : ex-rhum avant 2000 et chêne américain ensuite
Particularités : single cask et brut de fût
Fiche Rum-X
Typique Port Mourant. Ce mélange de notes végétales si typique des Port Mourant permet de savoir où on met le nez. Cette ouverture n’est pas forcément la plus agréable, même si l’aération lui fait du bien : assez whisky au début (céréales, eucalyptus, beurre), puis la noix, la fumée et les fruits rouges (furtifs) font leur apparition. On est sur un nez classique des embouteillages PM, c’est assez particulier.
En bouche, l’ouverture est très douce (sucre brun), puis évolue vers un agréable passage plus « sombre » avec un boisé assez carbonisé pas désagréable, avant que quelques fruits viennent boucler la boucle (mangue et maracuja).
La finale est moyennement longue, sur un boisé un peu astringent, accompagnée d’un petit caramel.
Un embouteillage qui ravira les amoureux de PM (que nous ne sommes pas forcément). On a néanmoins un beau duo boisé-sucré qui rend la bouche et la finale plus accessible. On est face à une sélection typique de l’alambic (ou recette).
Notre note : 83
Skeldon 2000 – El Dorado
Degré : 58,3%
Intégration de l’alcool : Parfaite
Distillation : Mark SWR – 4 colonnes qui étaient chez Skeldon auparavant. Reproduction du style Skeldon
Nombre de cols : 4368
Millésime : 2000 – 18 ans
Vieillissement : ex-bourbon et vieillissement tropical
Particularités : brut de fût
Fiche Rum-X
Eh bien, ce nez démarre très joliment ! On a du chocolat pas trop amère, un peu de bois et des épices douces (cannelle et vanille). La suite continue à être gourmande, avec une petite note caramélisée (crème brulée) et un café au lait gentiment sucré. Deux beaux temps, et deux facettes de gourmandise.
En bouche, on reste sur une attaque en douceur, le café reste sucré, on a une petite note de chocolat, et un boisé maîtrisé. L’ensemble tapisse bien le palais, la texture est très réussie. La bouche évolue ensuite avec de la vanille et des fruits secs.
La finale est assez longue, sur le café et le chocolat, deux des marqueurs phares de cet embouteillage.
On retrouve ici des notes aperçues avec le Diamond de Corman Collins, mais tout est plus puissant ici, et même plus gourmand. Deuxième bel exemple de la qualité de la gamme Rare collection d’El Dorado après l’Albion 2004.
Notre note : 90
Conclusion
Si il existe une base assez commune à de nombreux Demerara, on pourrait dire qu’il s’agit d’une base boisée et torréfiée. A cette base, de la douceur s’ajoute presque toujours, avec (au choix) des fruits, du caramel ou de la vanille. Le boisé Demerara est souvent assez fin (comme les épices) ce qui permettra une plus grande accessibilité de ces rhums.
Tout n’est pas incroyable dans les embouteillages venus de Guyana, mais certains sortent du lot, comme avec cet excellent Skeldon 2000 d’El Dorado !