Skip to main content

Alors que Marc Sassier nous a brillamment introduit le sujet de la réduction et du degré idéal, et que Roger a lui aussi brillamment écrit sur le sujet, c’est avec beaucoup de pression que nous continuons notre tour d’horizon. L’idée de départ était de savoir, nous le rappelons, s’il existe un degré idéal du rhum pour chacun d’entre nous. Nous commençons donc cette deuxième partie avec certains avis de professionnels qui ont eu la gentillesse de nous répondre.

Du côté des maitres de chai Martiniquais, Robert Peronet, des rhums Clément, nous indique que « le degré idéal pour une mise en vieillissement est autour de 60% pour une bonne extraction des tanins et à 55 % pour les arômes fruités. La complexité d’un rhum dépend de plusieurs facteurs et de la durée de vieillissement. 42% me convient mais le degré international est de 40 ».
Un peu plus au sud de l’île, Daniel Baudin penche plutôt pour « un degré faible afin de révéler la minéralité. Pour apporter un peu de tonus à un rhum vieux très complexe, on cible 42-43%. Pour révéler élégance et notes florales (miel), c’est plutôt 50%. Et 55 %, ou plus, pour la générosité et l’exubérance. Tout cela peut aussi être obtenu par des assemblages moins jeunes / plus jeunes »

Dans les chais La Mauny Trois Rivières

Sur l’île de Marie-Galante, nous avons pu échanger avec Nicolas Tarian, responsable commercial Guadeloupe de la maison Bielle, pour lui « en tant que Marie-Galantais bercé au Bielle, le rhum blanc doit être à 59°, c’est là qu’il a l’équilibre entre la puissance alcoolique et les arômes. Le maître mot sera toujours l’équilibre, et pour les vieux j’apprécie les bruts de fût, entre 53 et 58% »

En métropole, Christian de Montaguère, le créateur de la cave à rhum du même nom, pense que « cette notion est très subjective, mais aussi liée au contexte. Avec qui, quand, pourquoi et où ? Dans l’absolu, je dirais qu’un degré légèrement supérieur au classique donne généralement des rhums plus expressifs, et en même temps ils restent accessibles pour le plus grand nombre. Pour les rhums blancs le classique étant souvent à 50%, je dirais 55 à 60%. Pour les rhums vieux, le classique est à 40% donc j’apprécie entre 45 à 50% »

Guillaume Ferroni, dont nous avons parlé dans notre guide des IB, est bien connu pour ses expérimentations, dont son Tasty Overproof à 74% : « En ce qui concerne les blancs, mon goût personnel est entre 55 et 59. Et du coup pour mes embouteillages j’ai choisi 57, non pas parce que c’est le meilleur, mais parce que c’est un degré symbolique et historique : le navy proof. C’est le degré de négoce de la Royal Navy. A ce degré, la poudre à canon mouillée au rhum explose toujours. Et en plus, par hasard c’est pile au milieu de ma fourchette favorite. Donc c’était destiné pour moi ! »
« En ce qui concerne les rhums vieux c’est encore plus simple, enchaîne Guillaume Ferroni. Le meilleur degré de mise en fut c’est 63%. Et le meilleur degré en bouteille, c’est le brut de fut. Donc par déduction c’est grosso modo 63% moins la baisse du degré naturel par la part des anges… Cela donne entre 59% et 62%, le résultat que je préfère. » Si vous avez la chance d’échanger avec Guillaume Ferroni, c’est un réel passionné qui saura vous embarquer dans ses explorations.

Pour conclure, Nico, importateur des rhums Latitudes, estime que « tout dépend du degré de départ. Dans l’absolu j’aime bien les rhums autour de 57%, je trouve qu’il y a suffisamment d’intensité pour rendre justice au produit, et ça se boit facilement en toute circonstance, sans trop avoir besoin d’aération, sans prise de tête. Mais un rhum qui part de 62 pour arriver à 57, ce n’est pas pareil qu’un rhum qui part de 59. C’est la raison pour laquelle il est compliqué de répondre. Pour faire simple je dirais 57 %, et avec 2% en dessous du full proof ça marche bien aussi ! ».Finalement, et comme nous le savions dès le départ, il n’existe pas un degré universel idéal d’alcool. Mais cette question a l’avantage de soulever des détails insoupçonnés sur l’élaboration de notre boisson favorite et, nous l’espérons, de vous avoir fait découvrir des aspects méconnus pour mieux déguster vos belles bouteilles.

Nos modestes avis

Trois des rhums qui m’ont le plus marqué sont le 2004 Neisson (45%), le 2003 HSE (47,8%) et le Bally 1999 brut de fût (54,5%). On peut donc dire que ma fourchette idéale se situe entre 45 et 55%. J’ai récemment gouté la cuvée Bélè, Trois Rivières de 13 ans, embouteillée par Corman Collins à 52% : je trouve qu’on se rapproche là d’un compromis parfait entre la puissance aromatique et l’accessibilité. Certains rhums, tel le Chantal Comte la Mauny 2001 (64,8%), sont magnifiques, mais très complexes, et peuvent parfois ne pas être appréciés à leurs justes valeurs. En dessous de 45%, la réduction est souvent trop importante, mais ce n’est pas pour ça que tous les rhums à 43° ne peuvent être appréciés : c’est juste que « l’expérience » pousse souvent à chercher un peu plus de concentration.
L’avis de Pierre, co-rédacteur du site : pour l’agricole je suis d’accord avec toi Simon, mais, s’il y a un type de rhum où je préfère les degrés d’alcool élevés (autour de 60°) ce sont les rhum Jamaïcain High esters : ces rhums à la puissance aromatique hors norme s’accommodent et s’équilibrent parfaitement à haut degré.

Commentez cet article