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Parmi les distilleries martiniquaises, J.M est sûrement l’une des plus réputées. Elle a longtemps bénéficié d’une très bonne image et ses nombreux 10 ans millésimés ont fait beaucoup pour la maison de Macouba. Si les millésimes font toujours de l’effet auprès du grand public, J.M était également attendu sur des bouteilles peut-être plus « premium », telles que des single casks ou des bruts de fût à haut degré. Pour en savoir plus, nous avons interrogé Karine Lassalle, maitre de chai des rhums J.M.

Vous êtes arrivée depuis peu chez J.M, institution martiniquaise (note : Karine travaillait auparavant chez HSE). Avez-vous pu constater des différences dans le travail du chai par rapport à vos précédentes expériences ? 

Il y a de nombreuses similitudes dans les travaux de chais entre les différentes maisons. Le travail des fûts ou l’assemblage d’un rhum sont soumis aux mêmes techniques presque partout. Ce qui diffère, c’est bien entendu l’héritage de chaque maison, avec ses propres techniques ancestrales et le cahier des charges, bien différent d’une distillerie à l’autre et d’un rhum à l’autre.
A la distillerie JM, nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur les connaissances et le savoir-faire des générations précédentes, toujours très présentes et impliquées dans le fonctionnement de la distillerie. Bénéficier de l’expertise de ceux qui ont fait évoluer Rhum J.M au fil des années est une véritable chance et une grande valeur ajoutée pour nos rhums. 

N’est-ce pas trop compliqué d’arriver dans une maison aux traditions si anciennes ? 

Il n’est jamais évident d’arriver dans une nouvelle entreprise, une nouvelle équipe. Il faut savoir trouver sa place et présenter sa façon de travailler, surtout lorsque les techniciens sont présents depuis plusieurs dizaines d’années.  
Je suis arrivée en janvier 2017 et j’ai eu la chance d’accompagner notre ancien maître de chai Nazaire Canatous pendant un certain temps avant son départ à la retraite, afin qu’il puisse me transmettre toutes ses connaissances. Comme je le dis souvent, je ne suis pas arrivée à la Distillerie J.M pour apprendre aux équipes à faire du rhum, ils savent très bien le faire depuis toujours… Mon objectif est de les accompagner à proposer les Rhums J.M au monde d’aujourd’hui. Aujourd’hui nous travaillons ensemble main dans la main pour proposer encore et toujours un rhum d’exception ! 

Quels sont les types de fûts utilisés chez J.M, et comment travaillez-vous vos assemblages ? 

La tradition chez J.M est l’utilisation de fûts occasion Bourbon, notamment pour nos millésimes 10 ans et 15 ans. Elle se poursuit encore aujourd’hui.
Ce qui a changé depuis environ 5 ans, c’est l’utilisation de fûts neufs en chêne américain et français. Ce choix est apparu lorsque deux nouveaux chais ont été construits à la distillerie. Lorsque l’on augmente notre capacité de vieillissement, cela nécessite forcément de remplir plus de fûts, donc d’en acheter plus. Le moment était approprié pour ouvrir le spectre olfactif des rhums J.M et commencer un gros travail de fond sur les recettes d’assemblage de nos rhums.
Emmanuel Becheau, directeur de la distillerie, a commencé à introduire des fûts neufs en chêne américain avec deux chauffes différentes depuis 2014. A mon arrivée, j’avais donc une base solide de rhums vieillis dans 3 types de fûts. Je me suis basée sur ces profils aromatiques pour créer et imaginer les nouvelles recettes d’assemblage de nos classiques, du 1 an au 6 ans. Ces nouvelles recettes, vous les découvrez petit à petit depuis 3 ans, elles sont le fruit de plusieurs tests de fûts aux capacités, chauffes et origines de bois différentes.
Aujourd’hui, nous utilisons des fûts pouvant aller de 55L à 625L en passant par du 200L, 225L ou encore du 400L ; deux origines de bois différentes et une multitude de chauffes.
Si nous prenons l’exemple de notre VSOP, son assemblage est aujourd’hui issu d’une association de quatre types de fûts. Nous le laissons vieillir 3 ans en fûts d’occasion bourbon, puis nous dispatchons le lot dans quatre types de fûts différents pour sa dernière année de vieillissement. 
C’est un travail de fourmi qui nécessite une grande rigueur dans la reproduction de nos opérations de chais et c’est grâce au savoir-faire connu et reconnu de notre distillerie que le résultat semble être plutôt réussi.   
Nous essayons de perpétuer les méthodes traditionnelles de vieillissement qui ont toujours réussi à la qualité de nos produits. Pourvu que cela dure !  

Vous avez récemment sorti une série destinée aux cocktails, pourriez-vous nous parler un peu du travail qui a été fait avec Joseph Akhavan? 

Notre nouvelle gamme « Atelier des Rhums » est composée de 3 rhums vieillis, dont 2 Elevés Sous-Bois et 1 VO. C’est un travail d’assemblage de fûts aux profils aromatiques très caractéristiques. D’ailleurs les noms de ces 3 nouveaux opus parlent d’eux-mêmes.
« Fumée Volcanique » est un rhum élevé sous-bois d’un an de vieillissement en fûts d’occasion bourbon et en fûts dont un brûlage extrêmement fort a été réalisé par nos tonneliers au sein même de la distillerie. C’est un rhum présentant un nez sur des notes de caramel au beurre salé et de miel, et une bouche envoutante aux notes minérales et fumées pouvant laisser penser à un whisky tourbé ! 
« Jardin Fruité » est également un rhum élevé sous-bois de deux ans de vieillissement. Il est issu d’un assemblage de rhums vieillis en fûts américains et français aux chauffes différentes. Fruits exotiques flambés, miel des Antilles, gousses de vanille fendues, agrumes confits… la gourmandise à l’état pur.
« Epices Créoles » est un rhum vieux de 3 ans de vieillissement. L’idée était d’obtenir un rhum dans l’esprit des « Spiced Rums » sans ajouter aucune épice. C’est uniquement grâce au vieillissement en chêne français que les notes de pain d’épices à la vanille, muscade, gingembre confit et cannelle ont pu s’exprimer au mieux. 
Ce projet s’adresse au départ aux amateurs de cocktails qui souhaitent expérimenter des arômes inédits tout en gardant un ancrage martiniquais. De ce fait, il était évident que nous devions faire appel à un barman pour participer à l’élaboration des trois rhums. Joseph Akhavan, fondateur et ancien propriétaire du bar le MABEL à Paris, a accepté avec joie cette collaboration. Il a été un vrai appui technique pour moi sur le travail de la structure, la texture et l’équilibre du produit. Notre objectif commun était d’obtenir du bon à la fois en pure dégustation et en cocktail…  
La bonne nouvelle est qu’aujourd’hui la gamme l’Atelier des Rhums plait également beaucoup en dégustation pure ! 

 Parlons un peu de la gamme classique si vous voulez bien : la gamme semble immuable avec le VO, VSOP, XO, le 10 ans et le 15 ans (plus des éditions spéciales pour veepee mais nous n’en parlerons pas). Y-a-t-il des évolutions à venir ? 

La distillerie JM est en pleine rénovation et restructuration depuis 2012. Nous avons augmenté nos capacités de production et amélioré nos process de fabrication. Ces projets sont de très gros chantiers qui nécessitent d’avoir beaucoup de patience.  
Par rapport au vieillissement de nos rhums, avec l’arrivée de nouveaux chais de vieillissement, il a fallu réorganiser nos opérations de chais et trouver un nouveau rythme. Depuis 3 ans nous sommes en train de réécrire toutes nos recettes produits afin de monter encore et toujours en qualité et de renouveler la gamme.  
En plus du concept bar qui est constitué de la gamme « Atelier des Rhums » et des Bitters JM, nous avons quelques projets dans nos tiroirs qui devraient voir le jour dans les mois à venir…  
Il serait difficile de vous en dire plus aujourd’hui mais ne perdez jamais à l’esprit que le lancement de nouveaux produits de qualité ne se fait pas du jour au lendemain. C’est le fruit d’une longue réflexion commune avec les services commerciaux, marketing et la production. C’est aussi un travail précis et de longue haleine en fonction des produits mis sur le marché… et nous savons que pour notre marque, les rhums vieux sont plébiscités. Qui dit rhum vieux, dit un plus long travail de façonnage…  

Rhum J.M

 
Vous n’avez pas cédé aux sirènes du brut de fût à haut degré, pourquoi ? Cela ne s’accorde pas avec le « style » J.M ? Est-ce envisageable à l’avenir ? 

Nous mettons à vieillir nos rhums blancs à un degré compris entre 60 et 65% vol alc. De ce fait, au bout de 10 voire 15 ans, nous obtenons des bruts de fût dont le degré d’alcool n’excède pas les 45% vol alc. Ce choix a été fait d’une part pour perdre moins en volume chaque année par la part des anges mais également parce que nous considérons que nos rhums vieillissent bien ainsi.  
Nous ne sommes pas contre l’idée d’essayer des bruts de fûts à plus haut degrés…reparlons-en ensemble dans quelques années !  

Et l’actualité de J.M risque d’être agitée un peu plus tôt que prévu puisque le plus vieux J.M jamais mis en bouteille sortira très prochainement grâce à Old Brothers et Excellence Rhum et que le bar 1802 prépare un embouteillage à haut degré pour le semaines à venir… Vivement !!
Nous remercions très chaleureusement Karine Lassalle pour ses réponses et lui souhaitons le meilleur pour la suite !

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