Skip to main content

L’apparition d’une nouvelle rhumerie crée toujours une certaine curiosité, voire un certain enthousiasme dans un marché à la fois très demandeur mais également de plus en plus exigeant. Profitant d’un voyage en Martinique, nous nous sommes rendus à la découverte de Braud & Quennesson située au sud de l’île – au Marin plus précisément, dont l’ouverture fin 2022 a également réveillé un morceau d’histoire locale.

L’historique

Cette nouvelle marque de rhum porte en effet le nom de deux des fondateurs de l’usine du Marin en 1869 (avec Charles Harouard et Emile Bougenot pour ne nommer que les actionnaires majoritaires), qui fut l’une des principales usines de production sucrière de l’île pendant des années. Elle centralisait alors la production locale, remplaçant progressivement la centaine d’usines sucreries du sud-est, modifiant également les infrastructures environnantes pour assurer l’approvisionnement en cannes de l’usine (ce qui explique notamment l’existence d’une voie ferrée entre le Marin et l’habitation Grand-Fonds).

Touchée par la crise de la fin des années 60, la sucrerie ferme ses portes. Elle est rachetée en 1977 par la famille De Gentile, qui continue d’alimenter en cannes les distilleries environnantes jusqu’en 1984, puis abandonne cette activité pour la remplacer par l’élevage bovin en 1984. La petite histoire raconte qu’en 2016, après le décès de la dernière personne qui vivait à l’habitation, une bouteille de rhum Saint Jean (rhum de sucrerie produit au Marin) a été retrouvée. Elle portait la mention « Au Marin se trouvent les cannes les plus sucrées de Martinique ». Légende, simple coïncidence ou corrélation, les propriétaires décident de relancer la plantation de cannes sur le domaine en 2018, ce qui donna lieu à une première récolte en 2022. Les travaux d’aménagement de l’habitation ont démarré, quant à eux, en juin 2021 pour s’achever par une ouverture officielle en novembre 2022.

Braud & Quennesson aujourd’hui

A l’heure actuelle, l’habitation Grand Fonds cultive 30 ha de cannes (cannes bleues, rouges et roseaux – qui constituent la base des produits actuels). La marque ambitionne d’étendre la culture de 10 ha par an pendant les années à venir, pour répondre évidemment à la demande du marché, mais également pour bénéficier de la grande fertilisation des sols assurée par les élevages bovins et les conditions idéales du sud de l’île. La rhumerie se targue d’un taux de sucre exceptionnel dans ses cannes : la première récolte a révélé un degré de brix (sucrosité de la canne) de 23 contre 18 en moyenne sur le reste de la Martinique.

Braud & Quennesson compte dans ses équipes Stéphanie Dufour, maitre de chais passée par A1710, Dillon et Depaz. La distillation est assurée au Simon – tout comme HSE et Clément – pour assurer une parfaite traçabilité du process de fabrication et du cahier des charges associé (ce n’était apparemment pas possible dans les autres distilleries du sud de l’ile).
L’ambition, assez clairement exprimée, est de se positionner dans la gamme des rhums premiums. Une partie de la production a été mise en vieillissement dans des fûts neufs, mais aussi en ex-cognac et ex-bourbon, qui vont permettre la sortie d’un élevé sous bois planifié pour l’automne 2023. L’expansion des cultures permettra également la production de rhums monovariétaux à l’avenir.
La visite de l’habitation permet de visionner une vidéo sur les travaux d’aménagement (la vidéo ne parle pas de rhum à proprement parler donc est une étape plus que facultative, d’autant plus qu’elle n’est pas commentée), de parcourir les jardins et de procéder à la dégustation dans un hall spacieux et superbement agencé. Le personnel est à l’écoute et passionné, ce qui assure un moment de qualité.

La gamme

A l’heure actuelle, trois rhums blancs sont commercialisés, distribués sur l’île et sur un circuit caviste métropole pour l’instant plutôt confidentiel.
La dégustation commence par le blanc titrant 50° (60% de la production ont été embouteillés à ce degré), qui propose un nez très intéressant mêlant la canne fraîche végétale aux épices. On retrouve ce coté végétal en attaque, la bouche apportant par la suite plus de sucre et de fruits pour une finale plutôt courte et sèche révélant à nouveau le côté très végétal de la canne.
Le grand frère à 55° a adopté un caractère très différent. Le nez est relativement (trop ?) discret, la bouche révélant par contre plus de sucrosité et de rondeur, les fruits sont toujours présents mais la finale est nettement plus longue et s’achève sur une note étonnamment poivrée.

La dégustation

Nous nous sommes attardés sur le dernier larron, à savoir la version titrant 59,2% – degré d’équilibre de la récolte 2022, la décimale faisant également office de clint d’œil local.
Nous trouvons de prime abord un nez exubérant, annonçant une belle canne végétale mais également beaucoup de chaleur et de volupté (vanille), mêlées à des notes de fruits mûrs.  Cette association plutôt originale est très réussie.
La bouche confirme le sentiment initial. La texture est épaisse et grasse, l’intégration parfaite de l’alcool renforçant l’impression de douceur. Les fruits exotiques mûrs (goyave) font leur apparition dans un second temps, et ne quittent plus le palais pour une finale toujours très suave et d’une longueur très respectable pour un rhum blanc.

Notre note : 89

C’est donc avec un grand intérêt que nous suivrons l’évolution de Braud & Quennesson, la qualité et le caractère des produits proposés laissant entrevoir un vrai potentiel. Dans l’attente, la rhumerie sera présente au RhumFest Paris le week-end du 1er avril, ce qui vous permettra également de découvrir le dernier venu de l’île aux fleurs sur la scène du rhum.

Commentez cet article